En plein siècle dit « des Lumières », l’Europe est en proie à d’incessants conflits, menés sur terre comme sur mer, en Europe, en Amérique du Nord, aux Antilles ou encore en Inde.
Après les guerres générées par les successions d’Espagne, de Pologne et d’Autriche, un véritable conflit mondial, connu sous le nom de « guerre de Sept ans » (1756-1763), s’engage autour de Marie-Thérèse d’Autriche, qui souhaite reprendre la Silésie au roi de Prusse Frédéric II. Par un jeu d’alliances nouvelles, l’Autriche, la France, la Russie, la Pologne et la plupart des principautés allemandes s’opposent au petit royaume de Prusse et à son allié, l’Angleterre. Dans les colonies et sur mer, le conflit oppose essentiellement Français et Anglais. L’année 1759 est particulièrement victorieuse pour les Anglais, avec la conquête de la Guadeloupe, des succès au Canada et plusieurs victoires maritimes, dont une des plus emblématiques a lieu dans le Morbihan : c’est la bataille dite « des Cardinaux » ou « battle of Quiberon Bay », qui se tient le 20 novembre 1759 entre l’île d’Hoedic, la pointe du Croisic et l’île Dumet.
Le 14 novembre 1759, l’escadre de Brest, commandée par le maréchal de Conflans, prend la mer à destination du golfe du Morbihan en vue de convoyer des troupes pour un projet d’invasion de l’Angleterre mené par le duc d’Aiguillon. Le 20 novembre, dans le sud-ouest de Belle-Île, elle rencontre et prend en chasse une petite division anglaise, sous les ordres du commodore Duff. La supériorité numérique française est rapidement renversée par l’arrivée inattendue de la flotte de l’amiral Hawke et ses vingt-trois vaisseaux, que le maréchal de Conflans pensait loin derrière lui. La flotte française cesse sa chasse et le vent comme l’état de la mer rendent difficile sa remise en ordre. Le maréchal de Conflans décide alors de continuer sa route vers Quiberon, comptant sur l’agitation de la mer et les dangers des hauts fonds pour dissuader l’amiral Hawke de le suivre. La poursuite a néanmoins lieu, pendant laquelle un fort coup de vent désorganise les deux camps et empêche Conflans de rallier Quiberon. Le lendemain, le résultat de la bataille est sans appel : alors que les Anglais ont perdu deux navires et environ 300 hommes, il y a au moins 2 500 morts du côté français, avec cinq navires coulés, un navire capturé et le reste de la flotte parti se réfugier dans la Vilaine et la Charente.
Cuisante défaite française, la bataille des Cardinaux engage la marine française vers la voie de la reconstruction et de la réorganisation. Nette victoire anglaise, elle contribue à assurer à l’Angleterre une suprématie maritime durable, confirmée en 1763 par le traité de Paris, qui fait d’elle le premier empire colonial au monde. Aujourd’hui, elle laisse encore des traces écrites tout autant qu’archéologiques : sur le papier, on retrouve par exemple dans les registres de sépultures de Sarzeau mention de certaines de ses victimes dont les corps ont été ramenés à la côte ; dans l’eau, toutes les épaves de la bataille ont quant à elles été localisées entre 1955 et 2009.
Sources
- ÉRIAU (Jean-Michel), « L’archéologie sous-marine à la rencontre de la bataille des Cardinaux », in Melvan. La Revue des deux îles, 2010, n°7, p. 131-144. [IB 798]
- HARROLD (Jane), « Le Trafalgar oublié : The Battle of Quiberon Bay - 1759, le point de vue de Dartmouth », in Melvan. La Revue des deux îles, 2010, n°7, p. 91-96. [IB 798]
- LE MOING (Guy), « 20 novembre 1759 : une cuisante défaite au large des Cardinaux », in Melvan. La Revue des deux îles, 2010, n°7, p. 115-129. [IB 798]
- LEVI (Aristide), « 1759 : l’Europe entre guerres et paix », in Melvan. La Revue des deux îles, 2010, n°7, p.86-90. [IB 798]