Dès le mois de mars 1976, le déficit d’eau est visible mais seuls les agriculteurs s’en inquiètent. Le printemps est très sec et le Morbihan est le département le plus touché dans l’Ouest. Retour sur un épisode qui a marqué la mémoire collective.
Le déficit de pluies avoisine les 70 % à la mi-juillet. L’alimentation en eau potable est cependant assurée grâce à la grande capacité du barrage d’Arzal. Seule la région d’Auray souffrira de coupures. Pour autant, les élus souhaitent, pour éviter toute pénurie future, renforcer le réseau en reliant notamment le Blavet au Loc’h. Le raccordement sera achevé fin 2014.
Au déficit d’eau s’ajoute la canicule qui s’installe entre le 22 juin et 13 juillet 1976. Les nombreuses fêtes et kermesses durant cette période voient leur fréquentation chuter, et de nombreuses manifestations sont annulées (meetings aériens, moto-cross). Mais, la conséquence la plus dramatique de ces conditions climatiques exceptionnelles est la multiplication des incendies de forêts dans le département.
« Le Morbihan : gigantesque brasier »
C’est le titre qui barre la une de 56 Hebdo du 3 juillet 1976 accompagné du sous-titre « et ce n’est pas fini ! ». Des orages violents éclatent en effet le 28 juin et déclenchent de nombreux incendies dans tout le département (150 en 5 jours), y compris à Belle-Île. Le plus impressionnant est celui qui touche Pleucadeuc, Molac et Le Cours : 4 000 hectares de landes partent en fumée en 72 heures. Les bourgs de Molac et Le Cours sont sauvés de justesse par l’intervention de Canadair venus de Marignane (Bouches-du-Rhône) et par la mobilisation de la population, principalement les agriculteurs. 500 tonnes à eau viennent ainsi de toutes les communes alentour. Après l’incendie de la forêt de Couesmé (Les Fougerêts) le 2 juillet, Gaston Renaud, éditorialiste des Informations du pays de La Gacilly, présente les tonnes à eau comme de « véritables "Taxis de la Marne" de la lutte contre le feu ». Le département, peu touché avant 1976 par les incendies, est assez dépourvu, en effet, en moyens de lutte contre l’incendie. Les feux sont parfois combattus par des outils archaïques comme une batte-à-feu.
Après l’incendie des landes de Lanvaux, les élus des communes rurales réclament la départementalisation des moyens de lutte contre l’incendie, projetée depuis quelques années. Le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) est mis en place en 1977. Alors que les touristes arrivent, les journaux locaux et les autorités mettent en garde les familles contre les dangers du camping sauvage, très en vogue à cette période dans les champs proches du littoral. De nouveaux feux importants se déclencheront à la fin août.
Une agriculture très affectée
Cette sècheresse a évidemment eu un impact très fort sur l’agriculture locale. Faute de nourriture, les agriculteurs abattent leurs bêtes et engorgent momentanément les abattoirs. Par la suite, une « opération paille » est déclenchée avec l’aide des appelés du contingent. Des trains de fourrages sont envoyés par les régions moins touchées aux exploitations de l’Ouest pour nourrir les bêtes.
La production laitière tout comme la production légumière voient s’effondrer les rendements : 2,5 tonnes de petits pois à l’hectare au lieu de 4 tonnes habituellement. Autre exemple, seuls 20 à 25 % des semis ont levé pour les haricots.
Mise en place d'indicateurs sur les incendies
Les nombreux incendies sont documentés grâce aux dossiers de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) conservés aux Archives du Morbihan. En effet, une circulaire du 5 juin 1976 met en place un système de renseignements statistiques collectés à l’aide de rapports d’incendies de forêts, landes, maquis qui entraîne la création d’un registre des incendies de forêts du Morbihan. Cette même direction rédige de nombreux rapports sur la sécheresse de 1976 au cours du second semestre de cette même année. La presse de l’époque, une dizaine de titres de journaux consultable aux Archives du Morbihan, documente également sur les évènements qui ont émaillé cette période.
Sources consultées
- 1910 W. - Direction départementale de l'Agriculture et de la Forêt, aménagement forestier, défense des forêts contre l'incendie :
- 1910 W 262 : rapports, procès-verbaux d'infraction, articles de presse, correspondance. 1968-1981 (non communicable avant 2032) ;
- 1910 W 263 : registre d’enregistrement des incendies de forêt. 1976-1981 ;
- 1910 W 264 : formulaires de rapports d’incendie. 1976-1979.
- 1447 W 222. - Sous-préfecture de Lorient, administration locale, syndicats. Sapeurs-pompiers du syndicat intercommunal à vocation multiple de Lorient, création du service d'incendie et de secours : délibérations du conseil municipal, budget primitif, coupures de presse, notes, correspondance. 1974-1978.
- 1513 W 232. - Préfecture, direction du cabinet et de la sécurité, service interministériel de défense et de protection civile. Incendies de forêts, attribution de secours : circulaire du ministère de l'Intérieur, correspondance et arrêtés préfectoraux. 1975-1976.
- 1050 W 65 et 66. - Préfecture, service de la coordination et de l’action économique (SCAE). Sécheresse, documentation ministérielle. 1976
- 84 J 20. - Revue de presse; Morbihan, géographie, climat et calamités naturelles, 1971-2007.
- JO 230. - La Liberté du Morbihan (quotidien disparu en 1993)
- JO 237. - Le Télégramme
- JO 238. - Ouest-France, édition Vannes
- JO 405. - Ouest-France, édition Pontivy
- JO 403. - Ouest-France, édition Lorient
- JO 307. - Paysan breton (organe des syndicats agricoles affiliés à la F.N.S.E.A.)
- JO 265. - L’Écho du pays de Redon
- EB 251. - 56 Hebdo (publication disparue en 1979)
- JO 304. - Les Informations du pays de La Gacilly (ancien titre de l’hebdomadaire Les Infos : pays de Redon)