Le 29 mai 1826, quinze notables vannetais se réunissent pour donner naissance à la société polymathique du Morbihan. Âgés de 21 à 66 ans, tous ont une passion commune, celle des sciences, en particulier naturelles ou physiques : botanique, zoologie, géologie, mathématiques, médecine… Leur président, le chanoine Joseph Mahé, auteur l’année précédente d’un Essai sur les Antiquités du département du Morbihan (Vannes, impr. Galles, 1825), se distingue du fait de son intérêt pour l’archéologie, l’histoire et les lettres.
Dès lors, tous les mois, les adhérents se retrouvent pour exposer leurs recherches. Plus épisodiquement, ils visitent ensemble les sites les plus emblématiques du département (golfe du Morbihan, Houat, landes de Lanvaux …). Très rapidement, la polymathique multiplie ses activités. Elle organise ainsi des fouilles archéologiques et dispense des cours en botanique, minéralogie et entomologie (étude des insectes). Elle ouvre également un musée dans lequel elle conserve ses propres collections (armes, minéraux, objets trouvés lors des fouilles, animaux empaillés ou conservés dans du formol). Enfin, elle constitue une importante bibliothèque qu’elle met à disposition du public.
L’enthousiasme des débuts ne résiste pourtant pas au départ de plusieurs de ses « pères fondateurs », pour des raisons professionnelles et personnelles, dès les premières années. Elle est aussi profondément marquée par le décès brutal de Joseph Mahé, ce dernier ayant pris froid lors d’une excursion avec la société à l’île d’Houat en 1831. En outre, de nouvelles sociétés érudites comme l’Association bretonne (1843) viennent concurrencer la polymathique qui perd dès lors son hégémonie. Sur le point de s’éteindre au milieu des années 1840, elle change de nom pour devenir la société archéologique du Morbihan et poursuit une activité réduite.
La dissolution de l’Association bretonne par Napoléon III en 1858 offre un second souffle inespéré pour la société archéologique du Morbihan. Les publications reprennent et s’intensifient. En parallèle, les collections du musée s’étoffent. Ce dynamisme forme un cercle vertueux puisqu’il permet d’attirer chaque année de nouveaux adhérents. En 1861, l’association reprend son nom originel, effaçant le souvenir douloureux des deux dernières décennies. Symbole de cet essor, le 3 juillet 1877, un décret présidentiel déclare la société polymathique comme « Établissement d’utilité publique ». Fort d’une reconnaissance qui dépasse désormais les frontières bretonnes, la polymathique joue un rôle majeur dans la protection du patrimoine départemental. Elle parvient par exemple à faire pression sur l’État pour que ce dernier se porte acquéreur en 1883 de la Table des Marchand à Locmariaquer.
À quelques années de son bicentenaire, la société polymathique est parvenue à résister aux épreuves du temps, en particulier à celles des deux guerres mondiales. Au 21e siècle, la doyenne des associations du Morbihan continue d’œuvrer selon les objectifs qu’elle s’était fixé en 1826, à savoir d’étudier « les sciences, les arts et la philologie », tout en s’occupant « de réunir dans un musée diverses productions naturelles, surtout celles du Morbihan, des produits intéressants des arts et d’autres objets curieux de plusieurs genres ». En réussissant cela, elle est devenue l’un des acteurs fondamentaux et incontournables de la préservation du patrimoine morbihannais.
Sources et bibliographie consultées :
- 2 J 147/3 : Fonds de la famille Galles, rapport sur les musées de la société polymathique du Morbihan, 1861;
- XIV U 11 : Centenaire de la Société Polymathique du Morbihan (1826-1926), Vannes, Lafolye frères et Cie éditeurs, 1927, 251 p;
- XIV U 11 : Règlement de la société polymathique du Morbihan, Vannes, Impr. Galles, 1826;
- XIV U 11 : FRELAUT, Bertrand, « Les grandes heures de la société polymathique du Morbihan », Bulletin et mémoires de la société polymathique du Morbihan, tome CXXXII, 2006, p. 181-267;
- XIV U 1, LE PENNEC, Christophe, « La Société Polymathique et la naissance de collections archéologiques en Morbihan », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 118-3, 2011, p. 73-96.