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L'épidémie de variole

74 cas recensés, 16 décès. C’est le terrible bilan dressé par le directeur départemental de la Santé le 12 avril 1955 après l’épidémie de variole qui a sévi à Vannes pendant l’hiver 1954-1955 et qui fut également la dernière enregistrée sur le sol français. Retour sur un épisode qui a marqué la vie de nombreux Vannetais.

Le virus est ramené d’Indochine en novembre 1954 par un militaire qui contracte la maladie, malgré la vaccination, et la transmet à son fils de 18 mois. En effet, même si la maladie est un lointain souvenir en Europe, elle perdure en Amérique du Sud, en Afrique ainsi qu’en Asie du Sud-Est. Début décembre, l’enfant connaît une forte éruption cutanée accompagnée de fièvre. Ses parents inquiets sollicitent l’aide de leur médecin traitant qui fait le fait hospitalisé au service de pédiatrie de l’hôpital Chubert dirigé par le docteur Georges Cadoret. Le 21 décembre, de nouveaux cas sont constatés dans le service et l’inquiétude grandit chez le pédiatre. Lui-même tombe malade le 22 et, pris d’une forte fièvre qui s’apparente à un état grippal, reste alité pendant 5 jours. À son retour ce ne sont pas moins de neuf nouveaux cas qui se sont déclarés pendant son absence. Cadoret écrit dans son journal personnel « Il y a de la variole dans l’air ». Son diagnostic est confirmé par un de ses confrères spécialiste des maladies tropicales. Des mesures sont immédiatement prises le 31 décembre 1954 : consignation du service de pédiatrie et des contagieux, quarantaine du pavillon 10 à l’hôpital Chubert. Le directeur départemental du service de Santé, le docteur Guy Grosse est alors alerté de la situation et revient de Nantes où il passait les fêtes afin de procéder à des prélèvements qu’il envoie pour analyse à l’Institut Pasteur à Paris. Deux jours plus tard, la réponse du laboratoire parisien est sans appel : la variole est confirmée.

« Il y a de la variole dans l'air »

La première victime de la maladie est une petite fille, nourrisson de 6 mois, qui décède le 3 janvier 1955, suivi d’un deuxième enfant le lendemain. Le risque de contagion est important car de nombreuses personnes sont venues en visite à l’hôpital lors des fêtes de fin d’année. Lors d’une réunion d’urgence à la préfecture le 5 janvier, les docteurs Cadoret et Grosse demandent que soit lancée une campagne de vaccination antivariolique dans l’arrondissement de Vannes : 50 000 personnes sont concernées par l’arrêté du préfet. L’information est largement diffusée par la presse écrite, la radio, les voitures équipées de haut-parleurs dans les rues. Le climat demeure calme et la population se plie volontiers aux directives des autorités. Le 7 janvier, plus de 22 000 personnes sont vaccinées. Cependant, la maladie poursuit son développement et le 10 janvier, on compte 40 cas et deux décès de plus dont une jeune religieuse qui enseignait à l’école Sainte-Anne de Trussac. Cet événement fait craindre une nouvelle contagion au sein des établissements scolaires. Différents arrêtés préfectoraux pris entre le 10 et le 15 janvier étendent l’obligation de vaccination à l’ensemble des établissements scolaires du département, ainsi qu’aux nomades et forains. Les rassemblements importants de personnes sont déconseillés voire interdits. L’obligation de vaccination est également étendue aux arrondissements voisins. Plus de 200 000 vaccins sont administrés. Malgré cela, à compter du 12 janvier, une personne décède chaque jour. Le docteur Grosse lui-même tombe malade le 17 janvier et décède le 25 janvier. Sa mort provoque une vive émotion chez les Vannetais. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume par le président du Conseil, Pierre Mendès-France.

Au 20 janvier on dénombre 65 cas et 13 décès. La vaccination massive des populations, produisant ses effets immunisants après une douzaine de jours, porte néanmoins ses fruits et la maladie s’éteint peu à peu. Le virus est circonscrit à la région de Vannes, les nouveaux cas se déclarant dans cette zone et surtout à l’hôpital Chubert au sein du pavillon des suspects et du pavillon 10. Tout au long du mois de janvier, la population est inquiète mais ne laisse pas de place à la panique. Pourtant, certains titres de presse n’hésitent pas à diffuser des rumeurs et provoquent une peur dans le reste du pays. Paris-Match, dans son numéro 306 parle d’une inquiétude confinant à l’épouvante à Vannes, évoque de nombreux wagons arrivant en gare chargés de cercueils. La revue Radar titre « Alerte à la variole ! » accompagné d’une photo du patient zéro, le fils du militaire revenu d’Indochine. En une semaine, 600 000 parisiens se font vacciner. Le ministère de la Santé souhaite atteindre les 11 millions de Français. L’épidémie est pourtant bel et bien terminée même si les autorités ne prononceront jamais son terme. À partir du mois de février, aucun nouveau cas ne se déclare et la quarantaine qui pesait sur l’hôpital est levée en mars 1955.

Sources

  • 930 W 15. - direction départementale des affaires sanitaires et sociales, épidémie de variole, 1955.
  • 1328 W 72. - direction départementale des affaires sanitaires et sociales, épidémie de variole, déclarations de cas et correspondance ;
  • 1522 W 35. - Lycée Joseph Loth de Pontivy, prévention de l’épidémie de variole, 1955 ;
  • JO 230. - La Liberté du Morbihan, janvier-février 1955 ;
  • Pavillon 10 – Au cœur de l’épidémie : film réalisé par Christophe Cocherie, production Vivement Lundi, 2013.

Une proposition peu ordinaire

Au cours de l'épidémie, un habitant de Lyon propose même ses services de guérisseur pour soigner les varioleux.

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