Dans son édition du samedi 20 septembre 1930, Le Nouvelliste du Morbihan annonce qu’« une forte tempête de sud-ouest s’avance vers la Bretagne » sans que l’on puisse présager qu’elle serait aussi dévastatrice et meurtrière.
« [La] tempête d’une violence inouïe s’est abattue sur Quiberon. Dix-neuf bateaux de pêche ont rompu leurs amarres et, poussés par la violence des lames, sont partis à la dérive et sont allés se briser sur les rochers de la plage. Plusieurs sont éventrés, d’autres coupés en deux. Dès les premières heures, toute la population de Quiberon grossie en ce moment par de nombreux baigneurs, était sur les lieux du sinistre. Le spectacle était lamentable, la plage à marée basse était jonchée de débris de toutes sortes, des treuils, des moteurs étaient à moitié enlisés dans le sable. » À Port-Louis, « de mémoire de vieux pêcheur, on n’avait jamais vu cyclone d’aussi longue durée ».
« le bateau roulait dans les flots, se couchait, se relevait, le pont était balayé par les vagues, le thon qui était à bord et les chevalets étaient emportés par la mer, puis rejetés à nouveau sur le pont. En ralliant notre port, nous avons vu des hommes sur l’eau, accrochés à des épaves, sans pouvoir les secourir… »
Le dundee Bois d’amour rentre à Port-Louis le pavillon en berne. Son patron a été projeté sur le pont lors de la tempête et tué sur le coup. Un patron pêcheur d’Étel, rescapé de la tempête, raconte : « le bateau roulait dans les flots, se couchait, se relevait, le pont était balayé par les vagues, le thon qui était à bord et les chevalets étaient emportés par la mer, puis rejetés à nouveau sur le pont. En ralliant notre port, nous avons vu des hommes sur l’eau, accrochés à des épaves, sans pouvoir les secourir… »
La flottille thonière lorsque la tempête s’est déclarée était aux trois quarts en mer. La campagne de pêche au thon bat alors son plein. La population littorale composée essentiellement de familles de pêcheurs est inquiète. Une inquiétude qui s’accroît au fur et à mesure que les bateaux rentrent dans les ports dans « un état lamentable. » La Marine nationale envoie des torpilleurs et des avisos à la recherche des bateaux manquants.
Une semaine après le sinistre, on compte 39 victimes dont 19 pour les ports morbihannais. Onze jours après la tempête, le quartier d’Auray enregistre 26 navires manquants, celui de Lorient 17.
Dans son édition du 16 octobre, Le Nouvelliste du Morbihan relate « L’espoir s’éteint, les plus optimistes ont le cœur serré, ici et là les familles font célébrer des services religieux pour ceux qu’elles pleurent. À Port-Louis, à Groix, l’anxiété est à son comble : tout y est mort. (…) Soixante-douze marins de Port-Louis et de Groix ne sont pas revenus depuis cette terrible nuit. Étel aussi revit des heures aussi lourdes que pendant la guerre, 61 pêcheurs manquent encore à l’appel. » Les thoniers partent généralement en mer pour 20 à 25 jours de pêche. À la mi-octobre, certains sont partis depuis 45 jours…
Les autorités dressent un bilan humain et matériel : 207 morts, 127 veuves, 191 orphelins. Les deux tiers des victimes étaient Morbihannais. Sur les 27 bateaux perdus, 21 étaient enregistrés dans les ports d’Étel, Groix et Port-Louis. 50 navires sont hors service et plus de 400 plus ou moins avariés.
Très vite, après la tempête, la solidarité se met place. Des dons spontanés puis organisés sont recueillis pour secourir les familles des pêcheurs privées désormais d’un père, d’un fils voire les deux et livrées à la misère faute de ressources financières. Une journée nationale de don en faveur des victimes de la mer est organisée le 30 novembre 1930.
L’automne 1930 connut deux autres « coups de chien » et marqua à jamais le mémoire des populations littorales.
Sources consultées :
- Le Nouvelliste du Morbihan (mois de septembre, octobre, novembre 1930), Jo 229. En ligne sur www.patrimoines-archives.morbihan.fr
- Dossier Tempête des 18 et 19 septembre 1930, série M.