Jusqu’au début du 19e siècle, un bac au lieu-dit de Kermélo à Plœmeur, assure la liaison entre les deux rives de la rivière du Ter entre Ploemeur et Lorient.
Un premier projet
En juillet 1830, un ingénieur des Ponts et Chaussées, Jean Eugène Laurent de Lyone, propose, à ses frais, au préfet du Morbihan un projet de construction d’un pont suspendu en remplacement du bac. Destiné aux piétons et aux chevaux, cet ouvrage, d’une largeur de 1 mètre 20, doit permettre de relier Lorient à Plœmeur par le passage de Kernével. En contrepartie, l’ingénieur Laurent de Lyone sollicite une concession perpétuelle de l’édifice.
Les ingénieurs des Ponts et Chaussées du Morbihan, dans leurs rapports au préfet, se montrent favorables à ce projet. Il permettrait notamment d’assurer une communication directe entre les habitants des deux rives durant la mauvaise saison. De même, l’ouvrage laisserait l’accès aux chaloupes à marée haute sans entraver le service du moulin du Ter ou la navigation des bateaux de commerce. Cependant, la construction du pont suscite immédiatement de nombreuses oppositions.
Dès l’annonce du projet, la marquise de la Boissière, propriétaire du domaine du Ter, fait valoir ses droits en affirmant que l’ensemble de la rivière a été concédée à ses ancêtres par la duchesse Anne de Bretagne par lettres patentes du 12 mars 1490. Elle estime que cette construction serait un envahissement de sa propriété et nuirait de manière notable à l’exploitation de ses moulins en amont.
Lors de sa séance du 19 septembre 1830, le conseil municipal de Plœmeur se prononce également contre le projet. Pour les élus, l’ouvrage empêcherait toutes espèces de communication par mer avec le bourg, et entraverait son commerce. Ils affirment également que les habitants d’un seul quartier de la commune utiliseraient ce passage.
Malgré ces oppositions, les autorités chargées de l’instruction du dossier autorisent la construction du pont. Quelques conditions d’ordre technique sont imposées pour la réalisation du projet : un intervalle entre les culées de 122 mètres, une largeur de 2 mètres de la voie entre les garde-corps, un tablier élevé de 1,60 mètre au-dessus des plus hautes mers. De même, l’administration militaire, qui voit dans cet édifice une facilité pour le déplacement des troupes, demande que le concessionnaire s’engage, en cas de guerre, à détruire l’ouvrage à ses frais et ce sans indemnité. Cette dernière clause fait reculer Laurent de Lyone qui décide de retirer son projet en mars 1832.
Une seconde tentative
Le projet est relancé en août 1833 par Charles Vrignault, conseiller municipal de Lorient et son associé Détroyat qui se proposent de réaliser l’ouvrage selon les conditions refusées par Jean Eugène Laurent de Lyone. Après la rédaction d’un nouveau cahier des charges par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, l'autorisation d'édifier une passerelle suspendue sur le Ter à Kermélo est prise par l'ordonnance royale du 16 octobre 1834. Il y est aussi précisé, les tarifs du péage à appliquer le jour de sa livraison au public et la liste des personnes qui en sont exemptées.
L'adjudication a lieu le 5 décembre 1834. La concession est attribuée pour 83 ans à la « Compagnie Seguin frères » qui a proposé une passerelle en fil de fer d'une longueur de 122 mètres pour une largeur de 2,10 mètres. Le projet est l’œuvre de Marc Seguin, inventeur des ponts suspendus, qui participe à la construction d’une soixantaine de ponts en France.
Suite à l’étude d’un projet de pont à voitures proposé par les concessionnaires et finalement rejeté, les travaux ne commencent officiellement que le 4 août 1837. L'État subventionne à hauteur de 4 000 francs un coût de construction de 43 363 francs. Les travaux sont rapidement menés et le pont est ouvert au public le 7 avril 1838 après trois jours d’épreuves de résistance. Le même jour, le bail établi avec Joseph Marie Salo, fermier du bac de Kermélo est résilié et annulé.
Ce n’est que le 3 juin 1839, que la circulation du pont est réglementée par arrêté préfectoral à la demande des frères Seguin. Il y est notamment précisé les modalités de perception des droits de péage ainsi que les mesures de police et de conservation de l’édifice.
L’ouvrage fait l’objet par la suite de nombreuses réparations afin de s’adapter à l’augmentation du trafic hippomobile puis automobile. Le péage est définitivement supprimé en 1901 après le rachat du pont par l’État, le département et les communes de Lorient et Plœmeur. Donnant de plus en plus de signes de faiblesse, le pont construit par les frères Seguin est finalement remplacé par un ouvrage en béton armé en 1919.
À la source
Les Archives départementales conservent de nombreux dossiers sur le pont de Kermélo et d’une manière plus générale sur les ouvrages d’arts. Les 19e et 20e siècles, période prolifique pour la construction des ponts, abondent en archives. Les projets, la construction et l’entretien sont évoqués dans les dossiers du service vicinal (sous-série 3 O) et dans ceux des Ponts et Chaussées (série S, puis série W après 1940). Les archives des sous-préfectures peuvent compléter les dossiers techniques de même que les fonds des archives communales déposées (3 Es). La presse, les collections iconographiques parachèvent ce corpus documentaire.
Sources :
- 3 O 2676. - Chemin vicinal d’intérêt commun 92, travaux du pont de Kermélo. 1830-1908.
- 1 Z 189. - Sous-préfecture de Lorient, ponts suspendus. 1819-1904.
- 2 S Hennebont 83. - Construction, réglementation et réparations du pont suspendu de Kermélo. 1834-1934
- Landouer (Guy), Landouer (Yves), Le Passage du Ter à Kermélo, 2012. Archives départementales du Morbihan, TH 670
- Rome (Yannick), Bacs et ponts en Morbihan, Le Faouët, 2010. Archives départementales du Morbihan HB 11452