Hormis la région lorientaise où il a laissé son nom à un lycée et à quelques rues de l‘agglomération, Henry Dupuy de Lôme est peu connu du grand public. Il fut pourtant un ingénieur prodige dont on célèbre cette année le bicentenaire de sa naissance.
Stanislas Charles Henry Laurent Dupuy de Lôme, dit Henry Dupuy de Lôme, naît le 15 octobre 1816 au château familial de Soye à Ploemeur. Il est le fils d’un capitaine de frégate et petit-fils d’un riche armateur lorientais du côté maternel.
Propulsion à vapeur et coques en fer
Après des études au collège de Lorient, il est reçu à l’Ecole polytechnique en 1835. À sa sortie, il opte pour le Génie maritime. Il débute sa carrière à l’arsenal militaire de Toulon. Attentif aux progrès technologiques et après un voyage d’études en Angleterre, il milite pour la propulsion à vapeur et la construction des coques de navires en fer, technologies révolutionnaires pour l’époque. Sur ses plans sont ainsi construits les deux premiers bâtiments en fer de la Marine française, le Caton en 1847 et l’Ariel en 1849. Entre ces deux constructions, Dupuy de Lôme, âgé alors de 33 ans, entreprend la construction du premier navire de combat à vapeur à grande vitesse, Le Napoléon. Ce navire connaît son heure de gloire, en 1853, durant la guerre de Crimée et conduit l’ingénieur à la renommée.
Ses multiples travaux sont récompensés en 1855 par la remise de la grande médaille d’honneur lors de l’Exposition universelle de Paris : « Devançant les conceptions des génies les plus hardis, alors que l’hélice ne faisait encore dans la marine qu’une entrée timide, M. Dupuy de Lôme a conçu et construit le premier vaisseau à hélice à grande vitesse ; et, triomphant autant des difficultés matérielles que des préjugés les plus enracinés, il a procuré à la France l’honneur d’avoir créé le premier type de ces machines de guerre qui, en un si petit nombre d’années ont transformé la science maritime.»
En 1857, Dupuy de Lôme quitte Toulon pour Paris où il est nommé par Napoléon III à la Direction du matériel au Ministère de la Marine. Il poursuit l’œuvre de modernisation de la flotte française en équipant les anciens bâtiments à voile d’appareils à vapeur.
Inventeur des premiers cuirassés
Auréolé de son succès avec le Napoléon, Dupuy de Lôme est chargé par l’empereur de la construction du premier cuirassé de guerre baptisé le Gloire. Mis à l’eau en 1859 et encore doté d’une coque en bois, la principale innovation du vaisseau réside dans un blindage en fer forgé de 120 mm d’épaisseur descendant à 2 mètres en dessous de la ligne de flottaison, ce qui lui permet d’affronter les obus à explosion, innovation technologique de l’artillerie, bien plus efficaces que les boulets. Deux ans plus tard est lancé à Lorient le Couronne, première frégate cuirassée à coque intégrale en fer toujours selon les plans de Dupuy de Lôme. Grâce à ces innovations, la flotte française semble prendre l’ascendant sur la marine anglaise qui dans un premier temps juge l’utilisation du fer coûteuse et inutile.
En créant cette marine nouvelle, Dupuy de Lôme fait naître du même coup l’industrie des blindages. Il est ainsi à l’origine du premier train blindé. Avec son adjoint et gendre Gustave Zédé, ils conçoivent le premier sous-marin opérationnel français, le Gymnote, mis en service en 1888. Les travaux de ces deux ingénieurs inspirèrent Jules Verne qui publie en 1869 Vingt mille lieues sous les mers. Dupuy de Lôme est aussi le constructeur du premier dirigeable.
Farouche défenseur de la politique impériale, il est élu le 24 mai 1869, député au Corps législatif par la 2e circonscription du Morbihan. Il devient sénateur inamovible en 1877 et siège dans le groupe bonapartiste. Il conserve cette fonction jusqu’à sa mort le 1er février 1885.
L’hommage à l’enfant du pays
En sa mémoire, la ville de Lorient baptise à son nom une des rues à créer dans le quartier de la Nouvelle-Ville. En séance du conseil municipal du 19 février 1885, « M. le Maire expose qu’un des plus grands ingénieurs du siècle vient de mourir, M. Dupuy de Lôme qui pouvait être regardé comme un enfant de Lorient. Né au château de Soye, en Ploemeur, il a passé toute sa jeunesse à Lorient et fut un des plus brillants élèves du collège communal. M. Dupuy de Lôme a longtemps habité place Ploemeur et ses sœurs vivent encore à Lorient. Nous pouvons, et à juste titre, le revendiquer pour un de nos compatriotes. ».
En 1899 une statue en bronze représentant l’ingénieur est érigée sur la place d’Armes. Elle donne lieu à une cérémonie grandiose. La statue sera par la suite fondue en 1942.
En 1922, Lorient rend un hommage supplémentaire à Henry Dupuy de Lôme en donnant son nom au lycée de garçons de la ville dont il avait été lui-même élève.
Sources et bibliographie :
- 1 M Cerem 27. – Érection à Lorient d’un monument à la mémoire de Dupuy de Lôme, 1896-1898.
- PB 133. - Lorient, ses grands serviteurs et ses fils glorieux par Louis Chaumeil, Lorient, 1942.
- KB 4727. - Quelques grands ingénieurs du Génie Maritime – Dupuy de Lôme (1816-1885) par le Service historique des armées, 1974.
- RB 441. - Dupuy de Lôme, l’ingénieur de constructions navales et aéronautiques (1816-1885) par W. de Fonvielle, Paris, sd.
- EB 689. – Dupuy de Lôme : ingénieur et homme politique par Jean-Yves Le Lan dans Les Cahiers du Pays de Ploemeur, n° 21, décembre 2011, pp. 18-25.